

Cathalina
On dit que l’amour d’un père peut déplacer des montagnes. Mais lorsqu’il s’agit d’un enfant maudit, même les montagnes ne suffisent pas à contenir le poids de la peur.
Alors, une nuit glacée, le père de la douce Okimi parcourut les plaines avec dans ses bras un autre nourrisson : Cathalina, sa fille rousse, celle que la prophétie condamnait. Incapable de la tuer, incapable de la garder, il la laissa, en pleurs, dans le creux d’un vieux chêne. Et rentra mentir à sa femme.
Mais le destin ne l’abandonna pas.
Une sorcière au cœur d’hiver, Grisanda, entendit les cris. Elle prit l’enfant, non pas par bonté, mais par intérêt. L’enfant brillait d’une magie ancienne, sauvage. Grisanda ne lui offrit ni chaleur, ni affection.
Seulement le savoir — et le fer. Cathalina fut élevée non comme une fille, mais comme un outil. Une apprentie façonnée par les rituels, le sang, les lunes pleines et les offrandes aux dieux capricieux.
Chaque mois, Cathalina saignait pour apaiser ceux qui observaient d’en haut. Elle croyait être protégée.
Jusqu’au jour où la douleur la frappa comme un éclair. Ses genoux cédèrent. Et son esprit s’arracha à son corps.



La Mort

Dans une vision brûlante, elle vit une petite fille jouer dans un jardin, et derrière elle, une maison en flammes. Un homme et une femme, engloutis par le feu. Et l’enfant, en larmes, hurlant son nom sans le connaître.
Okimi.
Elle comprit. Elle venait de tuer leurs parents.
À son réveil, quelque chose avait changé. La sorcière lui avait menti. Les rituels ne protégeaient qu’elle. Pas sa sœur. Pas leur famille.
Alors Cathalina jura de retrouver Okimi. De réparer. De devenir celle qu’elle aurait dû être. Mais Grisanda refusa de la laisser partir. Alors elle attendit. Elle apprit. Et la nuit de ses 23 ans, elle prit la vie de sa maîtresse.
Libérée, elle suivit les traces de sa sœur jusqu’à un village lointain. Là, dans un petit restaurant, elle découvrit Okimi adulte : une femme lumineuse, belle, douce… tout ce que Cathalina ne croyait plus être. Elle l’écouta jouer du piano, le cœur serré. Et à la fin du service, elle s’approcha, tremblante.
« Je t'ai enfin retrouvée... »
Le choc fut immense. Mais Okimi écouta. Elle crut. Et, enfin, les deux moitiés d’un tout maudit furent réunies.
Pendant des mois, elles partagèrent leurs douleurs, leurs souvenirs, leur silence. Mais Cathalina oublia un détail : les dieux ne pardonnent pas. Et les offrandes qu’elle avait cessé de leur offrir… avaient un prix.
Un jour, le sol trembla. La déesse apparut.
Et Cathalina s’interposa.
Elle proposa sa vie en échange de celle d’Okimi.
La déesse refusa.
Elle arracha Okimi au monde.
Et plongea sa main dans la poitrine de Cathalina.
Mais l’histoire ne s’arrêta pas là.
Cathalina se réveilla… morte.
Son âme, pourtant, refusait de quitter ce monde. Liée à sa sœur par un lien plus fort que la mort elle-même, elle erra invisible, impuissante, assistant au massacre d’Okimi, tombée dans une frénésie sanglante. Elle voulut l’aider. Elle hurla, pleura. Mais elle n’était qu’un fantôme.
Alors elle s’éloigna. Rongée par la culpabilité, elle devint un esprit sans but, errant entre les mondes, jusqu’au jour où son corps immatériel toucha une porte… et ne passa pas à travers.
Elle pouvait interagir.
Ce fut le début d’une nouvelle vie. Elle apprit à se manifester, à voyager entre les mondes. Elle coupa ses cheveux, changea de style, adopta une allure rebelle, dévorée par un mélange de colère, de désir et de liberté. Elle séduisait, buvait, dansait avec les vivants… mais ne restait jamais.
Car son cœur, arraché, continuait à battre quelque part. Dans une forêt. Dans un manoir. Dans les larmes d’une sœur qu’elle avait juré de protéger.






Cathalina Octavius est une sorcière damnée, une âme liée, une amante insaisissable et une guerrière fatiguée.
Elle n’a plus de chair, mais elle a encore des sentiments.
Elle n’a plus de passé, mais elle garde sa loyauté.
Et si les dieux la cherchent encore,
elle, elle ne cherche que sa sœur.